Le temps se creuse. On se retrouve funambules aux pieds incertains sur le sol qui cède. On ferme les yeux. Dedans ce n'est pas noir. C'est comme un orage lointain qui prend ses aises sur l'horizon. C'est comme une éclipse. Tu te souviens de l'éclipse. Vous étiez dans ton jardin, ton balcon en forêt, les yeux barrés par ces lunettes en carton. Tu te souviens du froid, un froid que tu ne connaissais pas. Lentement les couleurs se sont éteintes. Ce n'était pas le noir, ni même une nuit. Les couleurs devenaient cendre, vert cendre, rouge centre, brun cendre. Lentement la forêt s'est tue. Les oiseaux d'abord. Puis les arbres. Les arbres se sont tus. C'est ainsi dans ton souvenir, quand tu fermes les yeux, dans ce noir qui n'est pas noir. Lentement l'astre de nuit mangeait l'astre de jour. Vous glissiez doucement dans le silence, dans le saisissement. Tu te souviens de l'odeur étrange dans ce paysage éteint.
Sous le ciel bleu de ce printemps 2020 tu reconnais les signes de l'éclipse.
©lil
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