Camées


Cette position du père. Menton sur le buste. Sur le canapé, sur le banc du jardin, au soleil couchant, méditant. Au milieu de la pièce, sur l’échelle, agençant mentalement les aménagements. Absorbé, silencieux, tout entier à l’intérieur du crâne. Intouchable, mystérieux. Ce profil de camée qui reste gravé comme la présence la plus intense et la plus secrète. Après sa disparition, quand éclipsé pour de bon de nos vies. Si brutale, si déchirante. Un jour cette position de Samuel Beckett, menton posé sur le buste. Sur la chaise du jardin, absorbé tout entier à l’intérieur du crâne. Intense et secret, sur la photo. Le même camée. Jusqu’à la proximité des traits. L’Irlandais habité par les mots récurés jusqu’à l’os, mon père artisan comme son père, à la parole embrouillée. Tu ne trouves pas qu’ils se ressemblent, mon frère ? Peut-être. Il y a de ça. Ce qu’il y a de réconfortant dans la profondeur de l’un et l’autre, dans leur absorption intérieure. Ce qu’il y a de vérité aussi. Ce qu’il y a de désarçonnant aussi.
©lil

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