nevermore


La bouteille d’huile d’olive était maintenant posée devant lui, sur sa table, chez lui. Petite et effilée. L’huile des olives d’Anita, l’étiquette qui disait Huile d’olive et dessous le nom de son ami. Une étiquette qu’il ne regardait plus. Il s’absorbait dans le mordoré, l’ambre qui attirait le soleil filtrant par ses fenêtres. Parfois un reflet de couleur verte le métamorphosait et il voyait la luminescence des élytres de la cétoine dorée. Le temps de rêver à l’insecte reposant entre les pétales d’une rose, la nuance avait viré. Ses pupilles à demi cachées derrière les paupières percevaient maintenant le miel de pissenlit, jaune éclatant ou le miel d’acacia onctueux et pâle. Des champs parfumés apparaissaient alors, des étendues piquetées de soleils baignées par le parfum délicat des grappes de fleurs d’acacia. Il inventait des baumes subtils pour calmer les brûlures, la brûlure des séparations que seule la poésie cicatrise. La poésie ou la peinture. Il se préparait une palette qui ferait surgir sur la toile l’ocre tendre de la circulade, le vert grisé des feuilles de l’olivier, le vert tendre de l’amande amère, l’éclair tranchant du rire de son ami. Son regard traversait la matière comme on voit à travers d’un vitrail, un vitrail derrière lequel la ville reculait, s’effaçait presque, où le verre s’exaltait entre les plombs qui le soutiennent. Une flamme. Celle qui n’en finit pas de se consumer dans la coupelle déposée dans le temple, celle des rituels propitiatoires qui défient la mort et la disparition. Tremblante. Elle se condensait à nouveau, se gélifiait, mimait l’ambre à nouveau. Il s’imaginait pénétrer la gelée et comme un insecte, perdurer, incrusté là-dedans, lui-même scarabée d’or, un leurre d’éternité, un message crypté sur une carte en forme de tête de mort, une trace de leur vie de pirates, un souvenir d’Edgar Alan Poe. Nevermore.
©lil

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