Niman ceremony
L’ocre brûlé des falaises, le soleil aveuglant sous la poussière en nuages sur la place en terre battue, nuages de farine de maïs échappée des sacs en coton, coton blanc immaculé des jeunes mariées, blancheur de l’été sur la pierre chauffée de la première mesa. Contre mon dos, le souffle des ailes de l’aigle enchaîné. Lomayumteva et ses longs cheveux de jais sur sa chemise de coton blanc, debout sur le toit, tourné comme nous vers la place centrale de Walpi, Loma et sa panoplie de turquoise, ce jour de juillet 1995, jour de Niman, closed ceremony, fermée aux étrangers mais grâce à Loma, nous sommes là, debout sur le toit, brûlés par la pierre ocre des maisons basses, par le soleil ardent du désert d’Arizona. Bribes de souvenirs érodés par le temps et perclus de mystère. Tourbillons en spirale des sons heurtés échappés des crécelles, des tambours qui émergent de la kiva, d’abord cachés par la maison à l’est de la place. Le vert, le jaune, le rouge. Les corps peints, les corps transfigurés des kachinas en route vers les San Francisco Peaks, en route pour le monde souterrain, guidés par le calendrier d’horizon. Les esprits kachinas remerciés pour la nouvelle moisson, remerciés pour ces jeunes mariées, pour l’aquifère sous le désert aride qui fait fructifier le maïs, la courge et les haricots rouges, qui rend fertile le désert et les femmes sous leur cape blanche. Sur les trois côtés de la place balayée par le bourdon scandé des bouches entrouvertes des danseurs, passent des femmes qui déposent l’offrande de farine dans leurs mains. Autour des reins de Heheya, le multicolore, ondoient les lanières de coton blanc comme balaient parfois les ondées bienfaisantes. Les plumes d’oiseaux, les brindilles vertes couronnent son masque comme un grand heaume. Que s’est-il passé qui est oublié ? Les femmes Alo Manas ont dansé la danse des femmes, les clowns peints en noir et blanc, les Hano Kochari, ont taquiné les enfants qui ont reçu de petits présents. Ils ont ri, couru, ou se sont réfugiés derrière leurs parents assis le long des façades. Le soleil ardent a glissé sur la courbe du ciel. L’aigle battait des ailes et je me tenais là dans son envergure, tendue et protégée. Loma m’a soufflé qu’il serait étouffé dans la farine, force et fertilité mêlées. Il y avait des pita au maïs bleu. Les spirales de poussière ont maintenu les secrets cachés.
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