la vie immatérielle, à MD


 Et certes recommencer, une journée commence, qu’est-ce que ça veut dire « commence » ? la nuit a été si longue et la journée est déjà bien entamée, il ne se passera rien, rien que ces mots qui se mettent à défiler sur l’écran, et puis la fatigue de cette nuit si longue qu’elle semble n’avoir pas fini, une nuit devant les écrans pour apprendre que l’avenir là-bas est en suspens. Comme est en suspens ici la vie, qu’est-ce que ça veut dire « la vie » quand les projets sont en suspens, que les désirs sont contraints, quand on ne sait pas ce qu’il faudrait savoir, que les mots noircissent les paroles éteintes, que les gestes se perdent dans un espace désincarné. Ce n’est pas banal de se retrouver prisonnier de la banalité. Marguerite, sais-tu que l’autoroute est fermée, qu’un anneau nous encercle, un anneau d’un kilomètre autour de chacun de nous, tristes Saturne à l’orbite ralentie. Marguerite, notre vie se dématérialise et oui, tu as raison, c’est impossible d’aller nulle part, alors on tourne en rond en cette saison où le soleil faiblit, accompagnés de nos lunes gibbeuses déphasées. Alors certes recommencer, A plus B et tout l’alphabet, inventer tous les mots de passe du répertoire et pénétrer dans un espace non répertorié, au-delà des miroirs informatisés, des écrans sécurisés, où les pensées se perdent en toute liberté. Et certes écrire ces paroles détournées, ces tracés d’étourneaux, ces messages inopinés qui s’imposent d’eux-mêmes sans connaître leur destinataire, ces traits de plume qui ne touchent pas terre, ces pattes de mouche qui s’agitent dans la toile qui les piège. 

 ©lil

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